Au plan comptable le CICE vient en moins des charges de personnel
La créance de CICE doit être déduite extra comptablement du résultat fiscal
La créance de CICE n’impacte pas la CVAE
Participation : La créance de CICE n’impacte pas la valeur ajoutée de la participation des salariés
Participation : Le bénéfice net pour la participation s’entend seulement déduit de l’IS sans le CICE
Prudence fiscale sur le mécanisme de préfinancement de la créance de CICE « en germe »
L’article 66 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012 a instauré un nouveau crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) au titre des rémunérations (1 à 2.5 smic) versées à compter du 1er janvier 2013 par les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel soumises à l’impôt sur le revenu ou à l’IS (article 244 quater C nouveau du Code général des impôts).
Le taux du CICE est fixé à 4% pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013 et 6% pour celles versées à compter de 2014.
Le crédit d’impôt est imputable sur l’impôt dû par le contribuable au titre de l’année au cours de laquelle les rémunérations ont été versées. L’excédent constitue une créance sur l’État utilisable pour le paiement de l’impôt des trois années suivantes et remboursable à l’expiration de cette période.
La créance est immédiatement remboursable seulement pour les PME au sens de la réglementation communautaire, les entreprises nouvelles répondant à certaines conditions, les JEI et les entreprises en difficulté.
Les deux derniers « rebondissements » sont les commentaires publiés par l’administration fiscale du 15 mars 2013 sur le CICE et l’arrêt du Conseil d’État du 20 mars 2013 :
1. Traitement comptable du CICE en moins des charges de personnel
Le Collège de l’ANC a précisé le traitement comptable du CICE. Deux options comptables étaient envisageables pour le traitement de ce produit pour les entreprises soumises à l’IS :
- Une comptabilisation dans les comptes sociaux en diminution de l’impôt sur les bénéfices (solution retenue par l’ANC en 2011 s’agissant du CIR) ;
- Ou une comptabilisation en diminution des charges de personnel.
C’est cette deuxième option qui a été retenue par l’ANC dans une note d’information du 28 février 2013 (contraire à sa position de 2011 sur le CIR !), dans laquelle elle a considéré que, en raison de l’objectif poursuivi par le législateur de permettre la diminution des charges de personnel par le CICE, sa comptabilisation, dans les comptes individuels, au crédit d’un sous-compte dédié du compte 64 « charges de personnel » est justifiée (BOI-BIC-RICI-10-150-30-10 §1).
2. La créance de CICE doit être déduite extra comptablement du résultat fiscal :
L’administration fiscale a précisé que la créance de CICE ne constitue pas un produit imposable pour la détermination du résultat fiscal de l’exercice au titre duquel la créance est constatée. Comme elle majore le résultat comptable (au crédit du 64), il sera nécessaire de procéder à une déduction extracomptable du montant du CICE dans la 2058 A (BOI BIC-RICI-10-150-30-10 §1).
3. La créance de CICE n’impacte pas la CVAE :
L’administration fiscale a indiqué que, dans la mesure où les charges du personnel ne sont pas déductibles de la valeur ajoutée, le CICE n’a pas d’impact sur le calcul de la valeur ajoutée et donc sur la CVAE due par l’entreprise (BOI-BIC-RICI-10-150-30-10 §1). En pratique Redutax vous conseille de vérifier l’état 2059 E car le paramétrage des logiciels comptables doit reprendre correctement les sommes au « crédit » du 64.
4. CICE et participation des salariés
Eu égard au traitement comptable et fiscal du CICE, deux composants de la formule de calcul de la participation seront impactés par le CICE.
– La valeur ajoutée ;
– Le « bénéfice net ».
(4.1) La valeur ajoutée de la participation n’est pas impactée
La valeur ajoutée est déterminée en faisant le total des postes du compte de résultat suivants (art. D. 3324-2 du Code du travail) : charges de personnel, impôts et taxes, charges financières, dotations aux amortissements, dotations aux provisions (à l’exclusion des dotations figurant dans les charges exceptionnelles), et résultat courant avant impôts.
Ainsi, l’administration fiscale précise que dès lors que le CICE diminue le montant des charges de personnel de l’exercice, il sera mécaniquement constaté (BOI-BIC-PTP-10-10-20-30 §65).
– Une augmentation du résultat courant avant impôt à hauteur du montant du CICE; et,
– Une diminution des charges de personnel, également à hauteur de ce même montant.
Il en résulte que la comptabilisation du CICE en diminution des charges de personnel demeure neutre pour la détermination du montant de la valeur ajoutée des entreprises.
(4.2) Le bénéfice net pour la participation s’entend seulement déduit de l’IS sans les crédit d’impôts :
Ces derniers jours, certains comme Monsieur Jourdain font de la fiscalité sans le savoir ont cru utile de communiquer sur le bénéfice net fiscal….
… en citant le code du travail : Le bénéfice fiscal est retenu déduction faite de l’IS ou l’impôt sur le revenu correspondant (C. trav. art. L. 3324-1).
… en citant la doctrine de l’administration sur le CIR : qui dans ses commentaires précise que l’IS retenu pour le calcul de la réserve s’entend après imputation de tous les crédits et réductions d’impôt afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable au taux de droit commun. Il en va ainsi notamment du crédit d’impôt pour dépenses de recherche effectuées par les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles (CGI, art. 244 quater B) et du CICE (CGI, art. 244 quater C) (BOI-BIC-PTP-10-10-20-10 §210).
A les écouter nous aurions pu croire que le CICE effectivement utilisé par l’entreprise augmenterait mécaniquement le montant de la participation à verser.
Mais n’est pas juriste qui veux et en droit français le juge de l’impôt reste le conseil d’Etat qui dans une décision en date du 20 mars 2013 n°347633, a annulé la documentation administrative à jour au 30 août 1997 aux termes de laquelle l’administration considérait que le montant du CIR venait en diminution du montant de l’IS à retenir pour le calcul de la participation. Selon la décision du Conseil d’État, pour l’application de l’article L.3324-1 du Code du travail, l’impôt correspondant au bénéfice que l’entreprise a réalisé au cours d’un exercice déterminé, qui doit être retranché de ce bénéfice, ne peut s’entendre que de l’IS, au taux de droit commun. Dans le cas où l’entreprise bénéficie de crédits d’impôt imputables sur le montant de cet impôt, il n’y a pas lieu de tenir compte du montant de ces crédits d’impôt.
Ainsi, l’IS à déduire du bénéfice fiscal pour le calcul de la réserve spéciale de participation s’entend de l’IS au taux de droit commun, avant imputation des crédits d’impôt.
Cette décision remet en cause la position de l’administration fiscale au titre notamment du CICE et a pour effet de réduire le montant du « bénéfice net » pour le calcul de la participation des salariés.
5. Prudence fiscale sur le mécanisme de préfinancement de la créance de CICE « en germe » :
Un dispositif de préfinancement du CICE était expressément prévu pour PME, JEI…
Comme ce dispositif n’est pas pour les sociétés d’une certaine taille, les lobbyistes des banques françaises ont obtenu une disposition permettant de préfinancer les créances de CICE dites « en germe » : le troisième alinéa du I de l’article 199 ter C du CGI prévoit ainsi, en application du deuxième alinéa de l’article L. 313-23 du code monétaire et financier, que la créance « en germe » de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi peut faire l’objet d’une cession ou d’un nantissement avant la liquidation de l’impôt sur les bénéfices sur lequel le crédit d’impôt s’impute, à la condition que l’administration en ait été préalablement informée.
Certaines sociétés sont démarchées dès 2013 par les services commerciaux des banques pour « pré financer » les créances « en germe » du CICE estimé (celui d’avril 2014) : estimé l’année même du versement des rémunérations (donc avant) sur lesquelles est assis le crédit d’impôt, et avant la liquidation de l’impôt en N+1.
Cette cession ou nantissement est unique et ne s’exerce auprès d’un seul établissement de crédit, pour son montant brut évalué avant imputation sur l’impôt dû.
La cession peut ne porter que sur une partie de la créance telle qu’elle a été évaluée, mais celle-ci ne peut faire l’objet que d’une seule cession ou nantissement, et ne peut être divisée pour être cédée en plusieurs parties.
En pratique, les banques envisagent au maximum de financer à hauteur de 85 % du montant de la créance estimé (elles anticiperaient donc un taux d’erreur intrinsèque de 15 % !).
Un mécanisme de notification de cession de la créance « en germe » est prévu :formulaire n° 2577-SD intitulé « Préfinancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – Certificat délivré par l’administration fiscale».
Lors de la liquidation de l’impôt sur les bénéfices, l’entreprise cédante devra déclarer sa créance sur la déclaration spéciale n° 2079-CICE-SD, en précisant si la créance « en germe » a été cédée.
Le montant de la créance définitivement constatée pourra être différent du montant initialement cédé :
– Si le montant de la créance réellement constatée est supérieur au montant de la créance « en germe » cédée, l’entreprise cédante peut imputer sur son impôt la partie de la créance non cédée, à savoir la différence entre le montant cédé et le montant réellement constaté du crédit d’impôt.
– Si le montant de la créance réellement constatée est inférieur au montant de la créance « en germe » cédée, le comptable de la DGFiP devra, lorsque la créance sera devenue restituable, se désengager auprès de l’établissement de crédit cessionnaire, dans la limite du montant de la créance réellement constatée. Des pénalités fiscales devraient être applicables dans ce cas.
Nous vous conseillons la plus grande prudence sur ce mécanisme de préfinancement car :
– La notion de créance « en germe », donc sa cession, sa reconnaissance, son activation et son rattachement pourraient être contestables
– Cette cession de créance posera des questions notamment en cas de restructuration de la société cédante avant son extinction
– Les expériences passées notamment sur le CIR en fiscal ou sur la réduction Fillon en social démontrent que l’administration n’hésitera pas à contrôler a posteriori l’assiette des crédits d’impôts. Au cas d’espèce, le CICE sera dans le champ des contrôles fiscaux et URSSAF (les salaires 2013 correspondant au CICE 2014 seront ouverts à contrôle jusqu’au 31/12/2017).
-Au-delà des conséquences des contrôles la question pourrait être posée en matière de responsabilité sur l’estimation de la créance.
– Le mécanisme de crédit restituable est susceptible de devenir seulement imputable dans le climat général d’instabilité fiscale et de crise économique